Moon Rising ~ Prologue (Avant-Propos)

moon rising

Les chroniques de la nuit


yuuki



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Avant-propos





Il avançait d’un pas résolu vers la source de sa convoitise. La lumière rougeâtre du soleil qui se couchait à l’horizon faisait briller l’eau scintillante du monument en pierre au milieu des fleurs et fougères. Il était attiré par cette eau. Oui, il était totalement hypnotisé par ces chutes qui s’échappaient de la fontaine dorée, s’écoulant délicatement dans le bassin orné de pierreries diverses, émettant un bruit de clapotis léger. L’herbe verdoyante du jardin s’écrasait sous ses pieds alors qu’il marchait sans attendre, mais sans trop se hâter, vers cette rumeur si lointaine à ses oreilles, et pourtant si claire. Son regard se perdait dans l’éclat sombre de l’eau alors que le soleil disparaissait entre les montagnes. Le clair de lune était nettement plus beau, plus enchanteur qu’était la lueur du coucher de soleil, laissant l’astre se refléter dans le bassin, ondulant sous les vagues caressantes et minimes.

Le jeune homme qui ne portait rien qu’un pagne en lin blanc autour de sa fine taille jubilait intérieurement. Il frissonna au contact de l’air frisquet – mais, frissonna-t-il aussi de délice ? – et s’arrêta au pied de la fontaine. L’eau était encore plus sombre, plus noire. Il y plongea ses yeux. Au grand jamais tu ne dois boire cette eau bénite ! Il le savait, seulement…

L’odeur de ce liquide se fraya au chemin jusqu’au jeune homme qui ne put résister davantage. Cet effluve exquis qui émanait de cette source ne fit qu’attiser son désir de pouvoir tremper ses lèvres dans cette eau sanglante. … tu ne dois boire cette eau bénite ! Peu lui importait, maintenant. Il y était déjà décidé lorsque cette fontaine avait été bâtie sur place, dans ce magnifique jardin Babylonien. Il s’était décidé par pure curiosité, même si cela lui avait été défendu. Le fruit défendu…

Il se pencha en avant.

L’eau était teintée de rouge. Elle rougeoyait sous ses yeux ébahis. La lune renvoyait les reflets scintillants de la surface sur le torse nu du jeune homme. Il était d’ailleurs perché au-dessus de la rampe du bassin, tellement penché en avant que son nez touchait presque l’eau rougeâtre. Boire cette eau bénite... Cette voix ne cessait de se répéter dans sa tête, lui-même pouvait l’entendre. Il pouvait même entendre la respiration bruyante du jeune homme, le voir à travers sa conscience plonger ses mains blanches dans le liquide tiède et porter la source recueillie à ses lèvres. Il avait envie de lui crier « Non !», mais aucun son ne sortit de sa bouche. Le jeune homme était en train de boire, enfreignant toutes les règles de cette voix grave qui se répercutait en échos dans le jardin magique du temple.

Les étoiles tombèrent alors du ciel et la lune se voila de rouge tout comme l’eau du bassin que le jeune homme avalait gorgées par gorgées. Les fleurs flétrirent, les feuilles des arbres se noircirent, se repliant sur elles-mêmes tel un parchemin léché par les flammes d’un feu de cheminée. Le jeune homme, repus, tituba alors, s’écroulant au pied de la fontaine, toussant et crachant bruyamment.

Il voulut accourir pour l’aider, il voulut le secouer, mais la peur le paralysa. Le jeune homme se prit la gorge et se recroquevilla, comme en proie à une douleur fulgurante. Il cria, il hurla, rampant sur le sol de granit de la cour royale. Ses ongles firent des traces sur la terre sèche.

Soudain, il cessa de respirer. Il pensait bien qu’il était mort. Cette eau l’avait tué ! Il voulut s’enfuir, s’en aller de cet endroit, ne plus voir ce corps qui était maintenant un cadavre sombre, mais quelque chose de surnaturelle, croyait-il, le retenait prisonnier, l’obligeant à regarder cette scène douloureuse. Le jeune homme restait étendu, immobile, son pagne remontant sur ses cuisses blanchâtres et striées de veines bleuâtres. Il était maintenant secoué d’une frayeur, ses membres se mirent à trembler – ou était-ce le vent froid qui s’élevait des collines au loin qui le refroidissait peu à peu – et tendit une main tremblotante vers le corps inanimé du jeune babylonien. Mais il bougeait ! Il se remettait à bouger. Ses doigts se rétractèrent sur ses paumes lentement, sa tête se tourna vers lui, ses yeux, ses beaux yeux bleus devenu totalement écarlates le fixèrent et ses jambes se plièrent faisant remonter impudiquement son pagne au-dessus de sa taille. Il se redressa, l’eau sanglante dégoulinant de sa bouche entrouverte qui découvrait ses énormes crocs d’une blancheur exquise.

Il recula de quelques pas alors que le jeune homme – non, la créature plutôt – se mit debout, chancelante, encore secouée par les ondes de douleur qui lui traversaient le corps.

Le vent s’éleva peu à peu, faisant brandir les quelques feuilles des arbres au loin dans le jardin. Il observa, horrifié, la chose qui tentait de mettre un pied devant l’autre, étirant son bras pour l’atteindre en vain. Tout ceci lui sembla irréel, tout à fait inimaginable, mais le jeune homme qui s’était transformé en un monstre était bel et bien devant lui, son corps encore plus blanc que son pagne, strié de veines qui paraissaient vidées de leur sang, et il eut un haut-le-cœur tandis qu’il recula jusqu’au seuil du jardin Babylonien.

Les yeux de la créature flamboyèrent alors qu’elle s’élança vers lui, découvrant ses dents fort pointues en un rugissement puissant, s’évanouissant dans la nuit.